Extrait du catalogue
Suite à la crue soudaine de l'Iiyama
Très techniques – programmées, créées, achetées ou conçues sur des logiciels – les pièces de Jingqi Yuan portent les dernières lueurs d'un monde arrivé à saturation. Par un processus de dérèglement, il injecte un grain de sable dans le codage et obtient par exemple des Images polluées. Ces paysages, dont les chemins dérapent en traînées de pixels fluorescents, retracent le chemin de la digitalisation par bits. Les ciels s'embrasent alors, et la réalité se fait psychédélique sous la dégénérescence auto-engendrée du despotisme numérique. La maîtrise computationnelle flanche : déliquescence technologique, conversion des datas, mutation des machines. Des personnages viriloïdes parfaitement dolents nous saluent sur les ventilateurs holographiques de la pièce Bienvenue ! Le malaise provient de leur expression impénétrable d'automates, comme pris d'un trouble obsessionnel compulsif.
Les données nous sont arrachées, reprises, et circulent dans un espacetemps indéfini auquel Jingqi Yuan redonne volontiers une forme naturelle contrefaite, humains sans entrailles ou paysages non localisés. Les informations s'amoncèlent sur La Metagne (Montagne). Nous voilà en partance pour un bivouac en Collapsologie, sous un abri saturé d'une ritournelle de jeu vidéo inoculée par système Arduino. La berceuse est un tarp qui nous prend en haie taud. Et dans la Tente, "la toile" se referme sur nous. Nous appareillons. Codifiés (codés en écriture de programmation), policés (matriciels ou vectoriels), ces langages nous orientent : vers notre perte. Les pièces de Jingqi Yuan nous enfouissent le crâne dedans, comme cette tête de polystyrène oxydée, fragment archéologique sorti d'une imprimante 3D. Pour ainsi dire posée sur un sachet de silice (conservateur mais cancérogène), cette physionomie fendue en deux semble nous dire que nous sommes moulés, non pas dans le bronze, dans cette ambition patrimoniale multigénérationnelle, mais au contraire dans une matrice de plastique et gaz combustible et surtout indélébile à l'ère anthropocène. La carte mère est défectueuse, Terre en alerte, faille de sécurité. Les écrans de la marque IIyama sont en crue. Nous sommes inondés, tout ça va mal téléverser et finira sur un bug.